Ultra Marin 2017 : des kilomètres, des paysages, de l'émotion, de la douleur et l'abandon
L'ultra marin, cette course qui me fait rêver depuis plusieurs année: faire l'intégralité du golfe du Morbihan soit 177km. Certes le dénivelé de cette course n'est pas énorme mais la difficulté réside dans ce faible dénivelé.
30 juin 2017 Vannes
Arrivé à Vannes, direction le port pour allé chercher le dossard. Je porterai le numéro 432. Il est 12h et le départ ne sera donné qu'à 18h donc direction l'hôtel pour une bonne sieste.
17h, nous arrivons sur le port de Vannes, lieu du départ et de l'arrivée de cette course. J'en profite pour discuter avec les participants que je connais. On discute de tout et de rien mais surtout de l'objectif principal qui est de finir en rêvant de faire moins de 30h.
18h le départ:
Le départ est donné pour cette aventure de 177km. Je suis avec Redge, nous partons sous un ciel menaçant. Après quelques mètres, la pluie a décidé de faire son apparition. Nous sortons donc nos vestes de pluie que nous retirons environ un kilomètre plus loin.
Le début de course est parfait, malgré les quelques gouttes du départ, le temps est idéal. Il ne fait pas trop chaud ni trop froid pour courir, le ciel est certes menaçant mais la pluie ne devrait pas revenir normalement.
Après environ une heure de course et 9km tout va très bien, nous passons de beaux chemins côtiers, longeons la mer et nous avons aussi la chance d'être à marrée basse ce qui nous évite d'avoir les pieds mouillés. Beaucoup de coureurs semblent avoir la même technique, partir assez calme et marcher dès le départ pour tenir dans le temps.
Arrivé aux 17km 1h53': premier ravitaillement, je sors mon verre, sur la table il y a du choix: eau, Ste Yorre, pâtes de fruits, chocolat, tucs,.... Bref, de quoi bien s'alimenter. Je retrouve ma femme qui m'accompagne sur cette course et sera présente sur les ravitaillements pour me soutenir dans cette aventure un peu (voir complètement) dingue.
Je reprends mon chemin, toujours avec mon tutu préféré ce qui d'ailleurs, fait sourire beaucoup de monde, que ce soit spectateurs ou coureurs. Je continu dans les temps que je m'étais fixé.
Le parcours ne comporte certes pas de grande difficulté mais il faut faire attention où nous mettons les pieds, beaucoup de racines, de cailloux,....une chute est vite arrivée. Les portions de route ne sont pas des plus désagréables, elles permettent de courir sans avoir à faire trop attention où l'on met les pieds.
28km 3h15 de course: ravitaillement de Port Blanc à Baden, tout va bien, je retrouve ma femme qui m'encourage mais aussi Philippe (the pink runner) qui lui suit sa femme.
Je reprends la route et je double de plus en plus de coureurs ce qui est je dois dire, assez grisant. Certains semblent déjà dans le dur après seulement 30km de course et c'est loin d'être fini.
Je commence à sentir mes cuisses tirer un peu mais je suis habitué car autour du 30ème j'ai toujours des sensations étranges à ce kilométrage.
35km Larmor Baden 4h12 de course: c'est l'heure du ravitaillement et je retrouve ma femme qui est toujours là pour me soutenir mais je vois aussi Redge et Bilip (un traileur breton connu et reconnu) d'ailleurs nous devons être les deux seuls gus déguisé sur la course.
40km de course, le premier marathon est proche. La nuit tombe, il est temps de sortir la frontale, une expérience que j'ai hâte de vivre. J'aime assez voir au loin les halos lumineux qui indiquent la présence des coureurs, cela donne une autre dimension à la course.
52km 6h44: un bon ravitaillement, je continu sur ma lancée avec des pâtes de fruits, brezih cola et là je profite pour prendre une bonne soupe chaude. Que ça fait du bien de manger chaud. Comme à chaque ravitaillement, je revois les mêmes têtes. J'en profite pour me masser un peu les jambes ce qui me fait un bien fou.
Une bonne centaine de mètres plus tard, faut monter quelques marches, nous passons un pont et je retrouve mon pote Bilip et nous allons partager un bon bout de chemin ensemble.
Je me rends compte que courir la nuit j'adore, certes pendant cette période nous ne profitons pas du paysage mais cela me permet de me concentrer sur ma course un peu comme sur un 24h on ne réfléchit pas au paysage qui nous entoure, on avance. En revanche, il faut rester bien attentif car on a vite fait de louper une balise.
Avec Bilip nous faisons quelques mètres, puis kilomètres ensemble. L'un part devant puis l'autre le rattrape et ainsi de suite, c'est assez sympa.
67km 8h44: dernier ravitaillement avant de prendre le bateau. La première grande étape de ce grand raid, j'ai hâte de faire la traversée et d'être sur la route du retour. Depuis le 52ème, les jambes tournent bien, le mental est au top.
Les kilomètres passent et je n'ai qu'une hâte, prendre ce bateau pour enfin être sur le chemin du retour. Nous alternons route, chemin,...A un moment, une chauve souris apparaît devant ma frontale et me frôle la tête. Elle a sûrement voulu rendre hommage à mon costume de Batman que j'avais au marathon de paris ^^
82km 10h47': c'est l'heure de prendre le bateau. Je retrouve Bilip, nous mettons une sorte de ciré pour être protégé des éventuelles éclaboussures et un gilet de sauvetage et c'est parti, nous voici dans le Zodiac pour une petite traversée. Nous sommes supers contents car il fait nuit et cela veux dire que nous sommes dans les temps que nous nous sommes fixé pour un éventuel sub 30h.
Nous sommes de l'autre côté du golfe, maintenant direction Arzon. Il faut délier les jambes après le bateau ce qui demande un certain temps. Surtout qu'à la descente, nous avons une petite montée qu'il faut passer, alors je m'élance pour courir à nouveau. Me voilà reparti.
86km Stade d'Arzon 11h27 de course. C'est à cet endroit que nous retrouvons les affaires de rechange que nous avons prévu pour la mi-course. Je change juste ma poche à eau et la remplace par une pleine. Je me pause quelques minutes avec un bon riz au lait, de la soupe et je reprends la route sans la frontale cette fois-ci. Petit coup de téléphone de ma femme qui vient aux nouvelles.
Les cuisses tirent un peu sur les premiers mètres mais je reprends vite la course. Je sais que cette deuxième partie ne va pas être la plus simple. Déjà il va falloir gérer la fatigue mais aussi les nombreux escaliers qui arrivent, sans compter les côtes un peu plus monotones.
97km 13h31': petit ravitaillement et ça doit être l'heure de se réveiller pour beaucoup car je reçois appel sur appel: ma femme et des potes (que m'a femme a encouragé à m'appeler) pour savoir où j'en étais. Cela me libère l'esprit, je marche tranquillement, d'ailleurs j'ai failli louper une balise !! Merci Bilip qui m'a crié dessus à ce moment.
Le prochain ravitaillement c'est Sarzeau aux 120km. Je sais qu'à celui-ci je vais retrouver ma femme mais aussi mes filles, mes parents et beaux-parents, j'ai hâte de voir tout le monde sur le bord de la route.
Je suis toujours bien à ce moment, j'alterne marche et course mais le niveau reste bien. J'approche de Sarzeau, nous passons sur la place du marché, je trouve cela plutôt sympathique.
Une dernière descente et la salle est au bout de la rue. Je commence à entendre des "allez Damien" mais surtout des "Allez Papa"et "Allez mon coeur" et là l’émotion monte en moi, c'est tellement bon de voir les gens que l'on aime venir vous encourager avec des cris et de superbes pancartes.
120km 17h10 de course: je suis toujours dans les temps fixé. Je prends le temps de voir mes miss, mes parents, mes beaux-parents, petit massage par ma femme au niveau des jambes. J'en profite pour me restaurer un peu. Hélène me remplit mes poches à eau pendant ce temps.
C'est le moment de repartir, je prends la direction de la sortie de la salle et je dois avouer qu'à ce moment là j'ai beaucoup de mal à repartir. Je marche mais la cuisse droite me lance.
Je relance la machine, j'essaye de courir, ça tient quelques kilomètres et puis ma cuisse se dérobe une première fois. Je marche un peu, j'essaye de recourir et rebelote...Là il va falloir serrer les dents pour aller au bout. J'essaye de marcher à une allure correcte.
Je commence à bien souffrir, je vois ma miss arriver avec ses grands-pères, cela me fait du bien. On partage quelques centaines de mètres ensemble. Un peu plus loin je retrouve ma femme qui décide de me remasser. Je reprends le chemin, je suis clairement dans le dur, nous sommes à 132 kilomètres environ. Ma femme décide d'allé m'acheter des battons de marche pour soulager ma cuisse.
Il me reste encore 2-3 bons kilomètres avant le prochain ravitaillement. Je suis dans le mal. A ce moment, j'en ai ras-le-cul de l'ultra marin, je me fais doubler de nombreuses fois, je regarde ma montre et vois s'afficher un 2.8km/h!!! WTF 2.8km/h c'est juste pas possible quoi !
Je continu d'avancé et un peu, plus loin je vois mon père et mon beau-père arriver avec des bâtons de marche! Le soulagement de folie que ça me procure, cela soulage ma cuisse direct et j'arrive à repartir sur une allure un peu plus correcte, je tourne à 5-5,5km/h.
136km 20h23' de course: J'arrive au ravitaillement, je prends mon temps et je reprends mon chemin difficilement.
Chaque mètre parcouru devient une victoire, j'ai du mal, j'avance pour avancer, le plaisir n'est plus là, clairement je suis dans le dur mais je suis venu chercher ça.
Le prochain ravitaillement approche, enfin approche c'est un bien grand mot....Je me traîne, je vois ma femme et mes parents arriver, que ça fait du bien! Un câlin et c'est reparti, nous avançons tous les quatre, ils me motivent.
156km 25h20': J'ai mis 5h pour faire 20km !!! Le stade de Sené est en approche, les gens applaudissent, cela fait du bien. Je mange un peu, Hélène va me remplir mes flask et Philippe lui vient m’engueuler pour ne pas que je lâche (sur les bons conseils de ma femme !!!) ce que je ne compte pas faire.
Il y a des podologues au fond de la salle, je vais y passer, c'est d'ailleurs la première fois que je vais passer les voir sur une course. Au moment de m'allongé sur le brancard, une vilaine douleur arrive au niveau de l'aine, comme une décharge électrique.
Je rigole avec le podo en lui disant de ne pas regarder sous mon tutu. Hélène me masse de nouveau au niveau des cuisses, de l'aine et dans le dos. J'essaye de m’asseoir mais la douleur revient en plus fort. Elle m'aide à me mettre debout tellement ça me lance. Je fais quelques pas puis je me tourne vers mon père pour lui dire que "je vois des étoiles...." Hélène décide de m'allonger tout de suite avec l'aide de mon père et un autre supporter et demande au médecin de venir.
Hop me voilà allongé sur le sol de la salle avec ma femme qui me lève les jambes. Prise de tension, tout est normal. Le médecin arrive et m’ausculte, il pense à une cruralgie ou une hernie.
Petit tour en brancard puis direction le lit pour me reposer. Mon infirmière particulière demande au médecin de me donner des anti-inflammatoire et protecteurs gastriques pour soulager la douleur....La douleur est toujours violente. Ma femme et mes parents sont à mes cotés, je craque complètement à ce moment. Les nerfs lâchent et je pleure, je sais qu'il y a de grandes chances que le course s’arrête là pour moi aujourd'hui, si prêt du but mais aussi tellement loin.
Je prends le temps de dormir, à mon réveil mes parents sont parti. Il va falloir prendre une décision...J'essaye de me mettre assis tout seul. Impossible, Hélène est obligée de m'aidé à me mettre debout... A ce moment là, je sais que ce n'est pas la peine d'allé plus loin, il est temps pour moi de rendre mon dossard.
Une fois la décision prise, je regarde autour de moi, de nombreux coureurs sont dans sale état. J'aperçois Emir des "lapins" qui me dit "allez on va rechercher ton dossard tu repars avec nous" c'est gentil mais c'est trop tard. Je sors de la salle en passant sur la ligne de pointage sans mon dossard c'est Fini.... Direction le Port de Vannes pour récupérer les affaires et voir les finisheurs.
Conclusion :
Une course organisée de main de maître, il n'y a rien à redire, les bénévoles sont nombreux et sont tops, un très grand merci à eux pour leur présence et leur soutien.
Sur un plan personnel, évidemment je suis déçu de ne pas avoir franchi la ligne d'arrivée, mais je suis déjà content d'avoir été jusqu'au 156ème.
Je sais que je reviendrai sur cette course et que nous nous affronterons à nouveau et cette fois c'est moi qui sortira vainqueur.
Je connais les erreurs que j'ai pu faire, partir avec un sac trop chargé, ne pas prendre assez mon temps lors de certains ravitaillements. Ne pas faire de renforcement dans ma préparation,....
Merci à tout ceux qui m’ont suivi via les réseaux, le téléphone,...et un immense merci à ma femme qui m'aura suivi sur les ravitaillements de jour comme de nuit, elle m'aura encouragé et poussé à aller plus loin.
A bientôt pour de nouvelles aventures ;)
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